La France est perçue comme de plus en plus vulnérable
En amont de la deuxième édition des Journées de l’UCLy, « Tant de crises … temps d’espérance. Quels moteurs de Reconstruction pour nos Sociétés » du 10 et 11 avril prochains à l’Université Catholique de Lyon, l’UCLy a chargé l’institut d’études ODOXA de recueillir la perception des français de leurs propres vulnérabilités et de celles de notre pays.
Vulnérabilités Journées de l'UCLy
mis à jour le 28 mai 2024
UCLy
Selon le baromètre UCLy/Odoxa 72% des Français redoutent même une attaque militaire de notre pays dans les années à venir
Cette enquête met en exergue une forte montée de l’inquiétude des Français pour l’avenir du pays : 65% d’entre eux pensent aujourd’hui que la France est un pays vulnérable (une augmentation de 13 points en deux ans). Paradoxalement, ils restent plus optimistes sur leur situation individuelle : 73% des Français ne se sentent pas individuellement vulnérables.
La situation internationale préoccupe particulièrement la population. Près de trois-quarts d’entre eux considèrent désormais comme « possible » une attaque militaire contre notre pays dans les années à venir. Mais ce pessimisme ne se limite pas à la sphère géopolitique. Au niveau national, 61% des français expriment des préoccupations alarmistes quant à l’avenir du pays, et la moitié d’entre eux considèrent que la France risque l’effondrement dans plusieurs domaines. Pour surmonter ces crises, les Français se déclarent volontaristes et prêts à s’adapter, mais ils font de moins en moins confiance aux acteurs institutionnels (responsables politiques nationaux et européens ou même systèmes sociaux) pour prendre en charge les vulnérabilités de nos sociétés.
Méthodologie : Ce sondage réalisé les 20 et 21 février 2024 pour l'UCLy par l'institut de sondages Odoxa s’appuie sur un échantillon représentatif de 1005 personnes résidant en France, âgées de 18 ans et plus. Les résultats sont comparés à ceux d’un premier sondage réalisé en 2022.
Sondage complet avec les résultats 2024 et 2022
LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE FACE À UNE « MULTI-CRISE »
Plusieurs domaines de vulnérabilité sont mesurés dans le sondage : le climat, le système de santé, l’énergie, la démocratie, l’alimentation, la défense et la protection sociale.
Les résultats confirment que les Français perçoivent la situation actuelle comme une « multi-crise ». Pour chacun de ces domaines, au moins 65% des Français pensent le pays vulnérable. Cette perception s’est beaucoup aggravée en deux ans dans tous les secteurs (entre +8 et +19 points), à l’exception de la vulnérabilité énergétique.
- Le risque climatique reste en tête des préoccupations des français. 74% d’entre eux jugent la France vulnérable dans ce domaine, reflétant une prise de conscience croissante du réchauffement climatique (+8 points par rapport à 2022).
- 82% des français pensent qu’il serait possible que la France connaisse une grande crise environnementale dans les années à venir.
- Les Français s’inquiètent aussi à propos de leur système de santé, jugé de plus en plus fragile (73%). Alors que l’on aurait pu s’attendre à ce que la fin de la crise sanitaire améliore ce diagnostic, les Français sont encore plus inquiets qu’il y a deux ans. Il s’agit même du domaine où leur inquiétude a le plus progressé (+19 points).
- Le système de protection sociale est lui aussi jugé atteint : 65% le considèrent vulnérable (+16 points en deux ans).
- Les Français expriment toujours des préoccupations concernant les enjeux énergétiques. 70% d'entre eux considèrent la France comme vulnérable dans ce domaine et 76% pensent qu'il pourrait y avoir des problèmes d'accès à l'énergie à l'avenir. Bien que ces chiffres aient légèrement baissé par rapport à 2022 au cœur de la crise du gaz russe, cette crainte reste bien présente.
- La question de l’accès aux ressources de base concerne également l’alimentation. 67% des sondés jugent la France vulnérable, un chiffre en très forte hausse (+19 points), 71% pensent que l'accès à l'eau et à la nourriture pourrait être compromis dans les années à venir (+10 points). Bien que moins redoutée, l’arrivée d'une famine est jugée possible par 44% des français. Il s’agit toutefois de la seule menace qui ne dépasse pas la barre des 70% de préoccupation.
De manière générale, les personnes âgées expriment des inquiétudes plus prononcées. 7 sur 10 considèrent la France comme vulnérable, tandis que chez les jeunes, ce sentiment reste majoritaire, mais moins marqué. Seuls 32% des sondés se montrent optimistes quant à la capacité du pays à surmonter ces difficultés.
Comme le souligne le Recteur de l’UCLy Olivier ARTUS : « Les Français manifestent une profonde inquiétude devant la croissance des vulnérabilités et des menaces potentielles, en grande partie due au contexte géopolitique actuel (*)(**). L’évolution des résultats du sondage a été rapide et significative en deux ans. La perception de la fragilité globale de la société française est plus forte. Nos compatriotes redoutent également l'impact de ces crises multiples sur l'intégrité du système politique français. La démocratie est aujourd’hui perçue comme vulnérable ou fragilisée pour 69% d’entre eux. ».
VULNÉRABILITÉS INDIVIDUELLES : UN CONSTAT RASSURANT
Un paradoxe clair émerge dans ce sondage : alors que les Français sont anxieux pour l’avenir du pays, ils sont bien moins inquiets pour eux-mêmes. 73% des français ne se sentent pas individuellement vulnérables.
Parmi les 26% qui expriment un sentiment de vulnérabilité, on retrouve surtout des jeunes. Les seniors, que l’on pourrait imaginer plus vulnérables, sont en fait moins nombreux à se considérer comme tels.
En résumé, les jeunes se sentent plus vulnérables individuellement, mais ne projettent pas cette vision sur la société, tandis que les plus âgés se sentent plus robustes, mais sont pessimistes quant à l'avenir du pays.
L’évolution de ces tendances individuelles contraste avec l’aggravation de l’anxiété des Français au niveau collectif. De manière générale, les sondés estiment n’être ni plus ni moins vulnérables que l’étaient leurs parents (53%). Là encore,les jeunes expriment davantage d'inquiétudes personnelles : 38% des 18-24 ans se considèrent plus vulnérables que leurs parents, pour seulement 13% des plus de 65 ans.
Les inquiétudes qui existent parmi les Français concernent surtout leurs conditions de vie matérielles.
Les préoccupations les plus fréquentes portent sur les revenus, l'épargne et l'adaptation au marché du travail. Près de la moitié des sondés craignent le chômage et la nécessité de recourir à des distributions alimentaires gratuites, et 25% craignent de devenir un jour sans-abri
« Tout se passe comme si chacun se repliait sur la sphère privée pour faire face aux défis du moment. Ce repli a pour corollaire des peurs (chômage, déclassement) qui apparaissent sans solution pour une partie de notre jeunesse. La jeunesse a une perception plus aigüe de sa propre vulnérabilité. Un tiers des 18-24 ans craint de devenir sans domicile fixe, ce qui est considérable » commente le professeur Olivier Artus.
La santé physique et mentale constitue également une source d'anxiété. 42% des français se sentant vulnérables sur le plan de la santé et 28% sur le plan psychologique. Les moins de 25 ans sont les plus touchés par ces préoccupations, avec une majorité se considérant vulnérables dans plusieurs domaines, notamment les revenus, la solitude et les problèmes psychologiques.
Les Français adoptent une attitude volontariste face à leurs problèmes : 75% pensent pouvoir surmonter leurs vulnérabilités et essaient de le faire. Seulement 23% se sentent résignés, considérant leurs fragilités comme inévitables. Cet optimisme persiste depuis 2022, malgré un contexte collectif beaucoup plus difficile.
Ce volontarisme ressort aussi dans leur idéal de société : les Français sont favorables à une société qui aide ET rend les individus responsables (50%), plutôt qu’intégralement basée sur la providence (30%) ou libérale (19%).
Cette position médiane est soutenue par une majorité de toutes les classes d'âge et de revenus, illustrant un fort sentiment de responsabilité individuelle. Politiquement, elle est partagée par les sympathisants de gauche, du centre et de droite.
LES ACTEURS DE CONFIANCE
La perte de confiance des Français dans leurs acteurs institutionnels s’accentue par rapport à 2022. Sans surprise, le monde politique reste très impopulaire, mais cette érosion touche désormais les institutions préférées des français. Les associations (60%) ou le système de santé et de protection sociale (59%) suscitent toujours la confiance, mais le niveau est en nette baisse par rapport à l’enquête de 2022 (-9 points et -10 points).
Tous les autres acteurs provoquent majoritairement de la défiance. Seuls 46% des français font confiance aux entreprises et 43% à l’éducation nationale.
Pour certains français, l'Europe joue un rôle négatif
Les acteurs les moins bien perçus sont justement ceux qui ont pour mission de consolider la société. Seuls 27% des Français font confiance à leurs responsables politiques pour prendre en charge leurs vulnérabilités. Les responsables politiques européens sont encore plus mal jugés. 75% des Français ne leur font pas confiance. Les Français considèrent davantage l’Europe comme un problème que comme une source de solutions. Pour 43% d’entre eux, l’appartenance à l’UE rend notre pays plus vulnérable. Cette perception est particulièrement forte parmi les catégories populaires et les agriculteurs.
« L’effondrement de la confiance dans le politique, mais aussi dans la médiation des religions (26% seulement font confiance aux représentants des religions pour prendre en charge les vulnérabilités) est considérable. Cela appelle sans doute un travail de fond sur les modalités de l’exercice des responsabilités, quelles qu’elles soient. Cette absence de confiance inhérente au sentiment de déconnexion entre les personnes en responsabilité et la population exige une vraie inventivité en matière de dialogue. À l'approche des élections européennes, il devient également crucial pour les responsables politiques de rétablir la confiance des français dans le rôle de l'UE dans la lutte contre les vulnérabilités », souligne le Recteur Olivier Artus.
Alors que les Français se déclarent volontiers volontaristes, ces résultats montrent que la confiance qu’ils font à leurs représentants est mesurée. Cependant, ce sondage reflète une volonté des citoyens de générer eux-mêmes des réflexions et des actions innovantes pour répondre aux défis sociétaux actuels.
L’université est plébiscitée
Alors que la confiance dans le monde de l'éducation, dont la fonction fut par le passé décisive pour assurer l'unité de la société, est aujourd'hui moins unanime, l'université apparaît par contre comme un lieu pertinent pour nouer des dialogues et faire face aux vulnérabilités
Dans un contexte marqué par une hausse de l’inquiétude et de la défiance à l’égard de la société et par un repli sur la sphère individuelle : 87% des personnes interrogées pensent que l’Université a aussi pour mission d’élargir la culture des étudiants pour les aider à mieux comprendre le monde.
Elle apparaît comme un creuset pour donner naissance à un dialogue sur les vulnérabilités sociétales. 82 % des personnes interrogées pensent que l’Université doit réfléchir avec des acteurs extérieurs, pour faire émerger des solutions face aux vulnérabilités des individus et des pays.
Pour le Recteur de l’UCLy, Olivier Artus, « la création de la Chaire d’université sur les Vulnérabilités de l’UCLy, en 2019 - Chaire dont la présidence a été confiée à deux chefs d’entreprise Élisabeth Ayrault et Guy Sidos, et qui réunit des responsables politiques, des hauts fonctionnaires, des militaires, des médecins, des responsables religieux – répond à la nécessité vitale pour la formation des étudiants de faire dialoguer l’Université et la Société, pour mieux discerner les défis sociétaux, et élaborer ensemble les solutions qui peuvent être proposées pour y faire face. ».
Sur le même sujet : le sondage 2022 "Une majorité de Français considère notre pays comme vulnérable"
(*) En octobre 2023, 80% des français craignaient les répercussions de la guerre entre Israël et le Hamas (Sondage Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro)
(**) En février 2024, 77% étaient inquiets du conflit en Ukraine (Sondage Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro).
À PROPOS DES JOURNÉES DE L’UCLy
Depuis toujours, l’Université Catholique de Lyon (UCLy) incarne une haute exigence intellectuelle, une pluralité, des valeurs, et une volonté forte d’ouverture sur la société.
Pour porter l’ambition de sa Chaire d’université dédiée aux « Vulnérabilités » et sa volonté de s’articuler avec la société, l’UCLy a créé en 2022 un grand rendez-vous, au cœur de Lyon, réunissant acteurs du monde institutionnel, académique, économique, associatif et entrepreneurial, afin qu’ils puissent croiser leurs regards avec des experts. Florence Parly, Alain Bernard, Patrick Martin, Georges Képénékian, Olivier de Germay, Nathalie Dompnier, Patrick Artus pour ne citer qu’eux, interviendront les 10 et 11 avril sur le campus Saint-Paul de l’UCLy.
Au programme de cette édition, un thème d’actualité essentiel, celui de la vulnérabilité des institutions qui structurent nos sociétés. S’agit-il d’un début d’effondrement ? Notre système démocratique est-il menacé ? Dans ce contexte, quels sont les lieux de résilience et quels sont les moteurs de reconstruction pour nos sociétés ? L’édition 2024 prolongera la réflexion initiée il y a deux ans, qui avait mis en lumière nos vulnérabilités individuelles et collectives, et tout particulièrement la fragilité croissante des institutions.
Très attentive aux évolutions du monde, l’UCLy veut aujourd’hui apporter une réflexion éthique et donner du sens à la transformation de notre société mondialisée.